RELIGION UNIVERSELLE, RELIGION PARTICULIÈRE
José ArregiToute religion aspire à être universelle, à exprimer un message libérateur qui transcende l'ethnie et la langue, le temps et la culture. La religion dépasse les frontières. Mais toute religion se trouve limitée par une culture particulière et, qu'on le veuille ou non, avec ses croyances, rites et normes marque des frontières: orthodoxes et hérétiques, croyants et incroyants.
Elle dépasse les frontières et marque des frontières. C'est le paradoxe de l'être humain chaque fois qu'il exprime l'Infini dans le fini. Ainsi en est-il de l'art, de l'éthique, de la religion... Prenons, par exemple, la beauté. Qu'est-ce-que la beauté ? C'est ce qui réjouit la vue et l'ouïe, cette harmonie profonde qui nous émeut au plus profond de tous les sens, cet horizon infini de grâce qui nous attire au-delà de toutes les formes, cet arc-en-ciel insaisissable, ce fond irréductible à toutes nos perceptions particulières... Elle nous parvient à travers les formes, mais jamais nous ne la cernons en elles. Comment nous transporterait-elle au-delà si nous la cernions ?
Il en va de même avec ce que nous appelons la "bonté": nous la savourons dans tous les regards, les mains, les gestes aimables, mais jamais elle ne se tarit en eux. Comment, sinon, pourrions-nous continuer de goûter à ce qui est bon et de nous sentir sauvés de bonté en bonté ?
De même avec la "vérité", ce petit rayon de lumière qui nous guide dans la nuit, cette flambée dont les étincelles nous éclairent dans les sciences, les arts, les poèmes inspirés. Qu'est-ce que la vérité ? C'est cette épiphanie, cette révélation du Mystère sacré de l'Etre: "Je suis celui qui Suis", dit le Buisson Ardent de l'Horeb. Le Mystère sacré de l'Etre, qui n'est pas "hors" de toutes choses, mais qui est mystérieusement "plus" que toutes choses, "plus" que la somme de toutes d'elles, et infiniment plus que toutes les paroles.
Il en est de même avec les religions. Ce sont des formes particulières par lesquelles l'Infini s'ouvre, mais à la seule condition que les formes (rites, croyances, normes et textes canoniques) ne cherchent pas à s'identifier avec l'Infini et renfermer celui-ci en elles-mêmes. L'Infini est la beauté insaisissable, comme un arc-en-ciel. C'est la bonté incompressible, comme l'eau entre les doigts; au mieux elle peut être recueillie pour un temps dans le creux vide de la main ou de l'argile, mais ensuite elle disparaît aussi de là, elle se transforme en vapeur, en air, en nuage, pour se reverser dans d'autres vases. C'est la vérité indicible, au-delà de toute parole et de toute Ecriture ausi sacrée soit-elle, au-delà de toute croyance et tout dogme pour essentiel qu'il paraisse, au-delà de toute pensée et sens: l'Infini transcende tous les sens (tous !), comme l'eau qui coule entre les doigts d'un enfant, comme s'étend la lumière dans le ciel du crépuscule vers d'autres cieux, d'autres terres, délicatement.
Toutes les religions sont des formes particulières, mais elles sont inspirées dans leur fondement originel par l'Infini universel. Ou l'inverse. Et leur tentation majeure est de se saisir de l'Infini, de l'enfermer dans leur forme et d'en avoir le monopole. Dans la mesure où elle succombe à cette tentation, une religion cesse de relier ses adeptes entre eux et tout le monde au Tout, elle devient secte, masque l'Infini, étrangle le Souffle, étouffe la Vie. Et dans le cas des religions dites monothéistes le risque est infiniment plus grand, car elles – plutôt leurs hiérarchies – ont tendance à se considérer aisément elles-mêmes comme médiatrices uniques d'un Dieu unique, de sa révélation, de sa promesse de salut.
Aujourd'hui, alors qu'un adolescent a accès à une masse d'informations jamais suspectées mais aussi incontrôlables, les religions – paradoxalement – sont plus tentées que jamais d'absolutiser leurs formes particulières. Elles voudraient offrir la sécurité dans un monde incertain. Mais de la sorte elles rendent le monde encore plus incertain et dangereux. Et il arrive souvent que, pour propager comme universelles et uniques leurs idées particulières – prémodernes -, les hiérarchies religieuses utilisent l'Ipad, le Smartphone et les moyens les plus modernes, les mêmes que nos jeunes postmodernes, gavés d'informations. Entreprise contradictoire et vaine.
Une religion sera d'autant plus consciente de sa particularité historique et culturelle qu'elle sera inspirée par l'Infini, et plus elle sera consciente de sa particularité et plus elle sera témoin de l'Infini libérateur.
José Arregi
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(Pasteur Jeremiah Wright)
Traducción de Peio Ospital