SPIRITUALITÉ XXI
José ArregiDemain, lundi 16 mai, nous présenterons au centre culturel Koldo Mitxelena de Saint-Sébastien, le cours intitulé « la Spiritualité au XXIe siècle ».
Ce cours aura lieu à Arantzazu durant l’année académique 2016-2017, un samedi par mois www.espiritualtasuna21.eus. Des témoins qualifiés de notre époque et de l’Esprit, au-delà du temps, en deçà de l’espace : sociologues, psychologues, artistes, scientifiques, philosophes, théologiens. Les uns croyants, d’autres agnostiques, mais qu’importent ces étiquettes quand il s’agit de spiritualité ? Nos assertions n’ont pas plus de valeur que nos doutes, nos certitudes valent moins que nos questions, et toutes les croyances – finalement, des créations mentales – ne servent que dans la mesure où elles nous ouvrent à l’Infini, au-delà de notre entendement. Que sommes-nous, en fin de compte, si ce n’est des chercheurs et des marcheurs éclairés par la soif et par l’eau ?
Nous avons besoin de spiritualité comme de respirer. Aujourd’hui encore, surtout aujourd’hui. Le XXIe siècle avance et la crise persiste, bien plus, elle s’aggrave. La crise économique est une crise politique. La crise politique est une crise éthique. La crise éthique est une crise culturelle. La crise culturelle, elle, est une crise spirituelle. Toutes ces crises ne sont qu’une seule, comme le cri de la terre, le cri des pauvres et celui de la vie ne sont qu’un seul cri. Les pauvres, la Terre, la Vie réclament une « révolution culturelle courageuse », ainsi que l’a écrit le pape François. Mais une révolution culturelle ne pourra se faire sans une profonde spiritualité.
Une spiritualité de la vie. De la sensibilité et de la sollicitude, de l’émotion, de la beauté, de la foi en la bonté. Une spiritualité prophétique, sans doute réaliste, mais critique et insoumise également ; pacifique, certes, mais pas moins subversive face à tous les systèmes qui nous étouffent. Une spiritualité de la paix et de la justice, car l’une ne peut exister sans l’autre. Une spiritualité politique, pour une politique planétaire digne de ce nom, et non prisonnière de la Bourse et des paradis fiscaux.
Une spiritualité qui nous fasse admirer le Mystère Qui Est dans le cosmos sans mesure, dans le ciel étoilé, dans le caillou du chemin, dans la feuille qui bourgeonne à nouveau, dans les yeux d’un enfant, dans le visage d’un réfugié ou d’un immigrant. Une spiritualité qui nous ouvre les yeux pour pouvoir contempler l’univers comme un immense cœur qui bat, la Terre comme un grand organisme qui respire et veut continuer de le faire. Une spiritualité qui nous remplisse d’étonnement, de respect et d’humilité, d’une profonde compassion et tendresse pour tout ce qui est, souffre et jouit. Nous sommes frères et sœurs de tous les êtres. Nous sommes des inter-être. Tous les êtres nous inter-sommes.
Une spiritualité qui nous apprenne à être présents : à nous-mêmes, à l’autre, à tous les êtres. À vivre le présent, sans nous accrocher au passé ni craindre le futur, et à nous détacher chaque jour de l’illusion de notre ego, source de tant de souffrances. Une spiritualité qui nous apprenne à vivre dans la Présence Bonne qui recouvre tout et habite tout. À vivre attentifs au Réel qui se manifeste et se construit, sans cesse, dans tout ce qui est réel. À être libres et fraternels. À écouter le cri des êtres blessés. À pressentir et à accueillir la Paix qui soutient et fait tout mouvoir, à nous y submerger tant par la méditation que par l’action.
Une spiritualité avec religion ou sans elle, mais toujours au-delà de la religion en tant que système de croyances, de rites et de normes, sous l’autorité d’un clergé sacré et masculin. La spiritualité est en train de s’émanciper des religions, tel est l’un des principaux traits de la révolution culturelle de notre époque, qui a déjà commencé il y a 2 500 ans avec Confucius et Laozi en Chine, Bouddha et Mahâvîra en Inde, Isaïe et Jérémie en Israël, Héraclite et Parménide en Grèce. Puis ensuite avec Jésus.
Notre société laïque s’ouvrira-t-elle, enfin, à la brise, au Silence, au Mystère créateur qui unit et fait tout mouvoir ? Nos religions traditionnelles, le christianisme et l’islam en particulier, se libéreront-elles de leurs langages, leurs croyances et leurs structures du passé ? Se laisseront-elles embraser par l’étincelle, la flamme, le feu de la Pentecôte ?
José Arregi
(Publié à DEIA et dans les journaux du Groupe NOTICIAS le 15-05-2016)
Traduit de l’espagnol par Edurne Alegria