LA MORT, UN LEVER DU JOUR
Enrique Martínez LozanoLc 20, 27-38
À l'époque de Jésus les Sadducéens constituaient la société juive d'élite économique, sociale et religieuse. Collaborateurs avec les Romains et strictement conservateurs en ce qui concernait le thème religieux, ils n'acceptaient, comme Livre Sacré, que le Pentateuque, les cinq grands livres de la Torah.
Dans les récits évangeliques à peine on décrit des rencontres des sadducéens avec Jésus, ce qui n'est pas surprenant si l'on considère qu'ils se trouvaient dans des domaines radicalement différents: celui du pouvoir et de la marginalité. Ils apparaîtront à la fin, pour décider la condamnation de Jésus.
Contrairement aux pharisiens, ce groupe ne croyait pas à la résurrection. Peut-être parce que, comme disait une plaisanterie, ils ne pouvaient imaginer qu'il puisse exister une vie meilleure que celle qu'ils en avaient.
Le fait est que, d'après le présent récit -que les trois évangiles synoptiques reccueillent-, un groupe de Sadducéens s'approche de Jésus, en ironisant précisément sur le thème de la résurrection. Alors, il lui posent un cas hypothétique de plusieurs frères qui, l'un après l'autre, et en conformité avec la loi du lévirat (Deut. 25,5 à 6), se marient avec la même femme.
Dans ce cas, il est clair que leur intention est de porter le débat sur la résurrection à l'absurde.
Ils ne semblent pas voir que l'absurde est précisément d'imaginer l'au-delà de la mort avec les catégories que nous sont habituelles en ce moment. Ce serait quelque chose comme vouloir imaginer la vie de surveillance alors que nous sommes endormis.
Les paroles de Jésus semblent viser ce même point: d'une part, les choses ne sont pas comme nous les vivons ici, et d'autre part, l'affirmation essentielle remarque que Dieu est la Vie .
De là, le mode peut-être le moins inapproprié de percevoir la mort, c'est de la voir comme un réveil. Tout comme, en sortant du sommeil, une nouvelle identité émerge, très différente du sujet onirique, en mourant notre identité la plus profonde se fait jour, dans laquelle l'ego trouve aussi sa fin. Non pas parce qu'il meurt, mais parce qu'on découvre qu'il n'a jamais existé que dans nos propres esprits.
Ceux qui ont eu une «expérience proche de la mort» (NDE) parlent, bien que les nuances sont différentes, d'une «expansion de la conscience», dans un état où tout est perçu d'une manière radicalement nouvelle. Nos idées mentales du temps, de l'espace, de la séparation et de la dualité semblent s'évanouir complètement. L'existence est perçue comme une représentation que, vue sous cet angle, se déroule admirablement: tout a son pourquoi et tout, à la fin, termine bien.
En se référant à la mort, Jésus parle de «sommeil» ou «passage». Dans la même ligne, les mystiques soufis ont enseigné que tant que nous vivons, nous sommes endormis, et quand nous mourons, nous nous réveillons .
Vers où est le «passage»? À quoi nous «réveillons-nous»? Sans doute à la Vie: à ce que nous avons toujours été et nous sommes, même si nous ne l'avions pas vu auparavant. C'est pourquoi précisément il ne s'agit pas de «réussir» rien que nous n'ayons déjà, mais de nous rendre compte –une autre manière d'appeler le réveil- de ce que nous sommes.
Mourir est le processus par lequel nous nous «réintégrons» dans la Vie que nous avons toujours été. Avec le terme Vie, nous nous référons à la même Réalité que les religions désignent comme «Dieu». Si nous enlevons les projections anthropomorphiques que notre esprit a tendance à faire, on peut dire que tous nous mourons vers l'intérieur de Dieu.
Mais sans aucune dualité. Il n'y a aucun dieu séparé. La Vie -Dieu– n'est que la face invisible de toute cette réalité manifeste. Tant que nous restons réduits à notre esprit, nous verrons nécessairement tout séparé, en projetant un ciel à la mesure de nos expériences, et un dieu à la mesure de nos idées sur les personnes.
Au réveil, nous découvrons ce que nous avions toujours été -un avec tout- et que nous avions oublié. Nous pouvons dire, à juste titre, en empruntant le titre d'un des livres de Elisabeth Kubler- Ross, que «la mort est un lever de jour».
Enrique Martìnez Lozano
Traducteur: María Ortega