Buscador Avanzado

Autor

Tema

Libro de la biblia

* Cita biblica

Idioma

Fecha de Creación (Inicio - Fin)

-

UN ROYAUME SANS ROI

Rate this item
(2 votes)

Lc 23, 35-43

Le dernier dimanche de l'année est consacré à Jésus. La liturgie tout entière a Jésus lui même comme principe et comme fin. En réalité les différents temps liturgiques constituent un processus qui veut rappeler la trajectoire humaine de Jésus. Ce processus commence en Avent avec les préparatifs de sa naissance et s'achève avec la fête que nous célébrons aujourd'hui et qui en est le point culminant au delà de sa vie terrestre.

Comme tout être humain, il est né porteur d'un projet qui a été se réalisant durant toute sa vie et qui culmina avec la plénitude d'être que nous exprimons par le titre de Roi. Mais Jésus répondit à Pilate que son Royaume n'était pas de ce monde. Or en dépit de cela, nous sommes en contradiction avec ses paroles et l'avons proclamé Roi de l'univers. Naturellement, nous savons bien mieux que lui ce qu'il est et ce qu'il n'est pas. Il n'est malheureusement pas là pour pouvoir dire le contraire.

J'ai bien conscience que le sens que je veux donner à cette fête ne va pas être celui que lui donna Pie XI il y a plus de quatre vingt ans; pas non plus celui que lui donnent aujourd'hui la majorité des chrétiens. Je ne mets pas en doute le titre, mais la façon de le comprendre.

Evangile en main , pouvons nous encore parler de « Jésus, roi de l'univers »?

Un Jésus qui lutta contre toute classe de pouvoir.

Un Jésus qui repoussa comme tentation l'offre de posséder tous les royaumes du monde?

Un Jésus qui disait: Si vous ne devenez pas comme des enfants, vous n'entrerez pas au Royaume de Dieu.

Un Jésus qui invitait ses adeptes à ne se soumettre à personne.

Un Jésus qui disait n'être pas venu pour être servi mais pour servir.

Un Jésus qui disait aux Zébédée: « Celui qui veut être grand, qu'il soit le serviteur, et celui qui veut être le premier, qu'il se fasse le dernier ».

Un Jésus qui s'échappa et s'en fut dans la montagne quand on voulut le faire roi; provoquant bien sûr la mauvaise humeur des apôtres qui partirent dans la barque sans l'attendre.

Nous pourrions donner plus d'exemples, mais je crois que le sentiment des évangiles est évident.

Les mots Roi, Père Fils, Messie, Pasteur sont très riches de significations symboliques, dans l'AT comme dans le NT. Mais lorsqu'on prend les mots dans leur sens littéral, ils ne disent plus rien. A toutes les époques, il a existé des groupes religieux qui se sont efforcés de les interpréter littéralement, et cela a conduit la religion à des impasses. Toute interprétation fondamentaliste du christianisme qui en arrive à l'usage de la force, vient de là; depuis les croisades du Moyen Age, jusqu'aux « Croisés » d'aujourd'hui. Sans parler des « Chevaliers du Christ ». Mais le sens métaphorique ou symbolique de ces mots peut nous ouvrir un horizon nouveau.

Si j'ai pris ces cinq mots comme exemple, ce n'est pas par hasard. Ils sont tous reliés entre eux et si on les sépare les uns des autres, on ne peut les comprendre.

L'idée d'un « roi », en Israël, fut quelque chose de plutôt tardif. Tant que les Israëlites furent un peuple de nomades, penser à un roi n'avait pas de sens. Ce n'est qu'à l'arrivée en Canaan et en s'établissant dans les villes conquises qu'ils sentirent le besoin d'en copier les structures sociales et demandèrent à Dieu un roi.

Cette demande d'un roi fut interprétée comme une hérésie par les prophètes, parce que pour le peuple, le seul roi devait être Yavé. Ils trouvèrent la solution en faisant du roi un représentant de Dieu.

Pour choisir une personne comme Roi, on lui imposait l'onction. C'est exactement ce que signifie Messie (Oint). L'onction l'habilitait pour une mission: guider le peuple au nom de Dieu. Voilà pourquoi, à partir de ce moment, il serait appelé Fils de Dieu. Le propre d'un fils, c'est d'agir comme le père, à la place du père. On l'appelait aussi père du peuple et pasteur du peuple. Comme Dieu, il était père et pasteur pour son peuple. Celui qui était choisi comme roi était oint, fils, pasteur et père.

Une clé de compréhension de la fête d'aujourd'hui peut se trouver dans l'évangile lui même. D'abord, l'écriteau que Pilate plaça sur la croix était une manière de se moquer, non de Jésus, mais des autorités juives qui le lui avaient livré. Il est curieux que nous ayons élargi le terrain de sa royauté à l'univers entier. De qui nous moquons-nous?

Les soldats aussi, pour rire de lui, lui remirent une couronne et un sceptre. Croyez vous que Jésus se serait senti plus à l'aise avec une couronne d'or et un sceptre recouvert de pierres précieuses?

Les autorités, le peuple, les soldats, un des bandits, lui demandent qu'il se sauve lui-même, mais Jésus ne descend pas de la croix. Du désert jusqu'à la croix l'accompagne la tentation du pouvoir. Jésus s'est sauvé, mais pas comme l'attendaient ceux de son entourage.

Nous espérons encore aujourd'hui, pour lui et pour nous ce même salut qu'il s'est refusé à réaliser. Nous ne voulons pas entendre parler du salut qu'il a obtenu en mourant et en se livrant aux autres. Nous refusons d'admettre que notre salut puisse consister à nous laisser éliminer par ceux qui nous haïssent.

La plénitude de l'homme est le service jusqu'à la mort. Si nous persistons à attendre le salut extérieur, de sécurité, de pouvoir ou de gloire, nous connaitrons la même déception qu'eux. Jésus sera roi de l'univers quand la paix et l'amour régneront dans tous les coins de la terre. Quand nous serons tous des témoins de la vérité.

Pour bien comprendre la fête que nous célébrons, il nous faut partir d'un fait: le cœur de la prédication et de l'action de Jésus a été le « royaume de Dieu ». Jamais il ne s 'est prêché lui même ni n'a revendiqué quoique ce soit pour lui. Tout ce qu'il a fait, tout ce qu'il a dit était toujours en référence à Dieu. C'est avec cette orientation radicale vers son Père qu'il a rendu présent le « royaume qui est Dieu ».

Le Royaume de Dieu, le Royaume du Christ n'est pas une réalité qui fasse directement référence à Dieu ou au Christ. Le Royaume de Dieu est une réalité qui fait référence à nous. Ni Dieu, ni le Christ ne peuvent faire quoique ce soit pour implanter leur Royaume sans que nous agissions. C'est nous qui avons à le rendre présent ici et maintenant, comme Jésus l'a rendu présent quand il a vécu parmi nous.

Jésus de Nazareth s'est identifié à tel point avec ce Royaume, qu'il a pu dire « qui me voit, voit mon Père ». Il n'a pas dit cela en tant que deuxième personne de la Trinité, mais en tant qu'humain parvenu à l'expérience fondamentale et ayant découvert que Dieu et son être authentique ne faisaient qu'un.

Les premiers chrétiens ont découvert cette identification et très vite cessèrent de répéter la prédication de Jésus pour le prêcher lui comme modèle.

Apparaît alors la magie d'un nom, Jésus Christ. Jésus le Christ, l'Oint. Le support humain de ce nouveau personnage est déterminé par la qualité d'Oint, de Messie. Ce qui est déterminant c'est qu'il est « Oint ». Ce que Jésus manifeste de Dieu est finalement plus important que le substrat humain par lequel se manifeste le divin.

Mais rappelons nous toujours que les deux aspects sont inséparables. Il ne peut exister un Jésus qui ne soit pas Oint. Christ n'est pas exactement Jésus de Nazareth, mais la marque de Dieu dans ce Jésus-là. Le Royaume qui est Dieu est le Royaume qui se manifeste en Jésus. De ce point de vue on peut parler en rigueur de termes de Christ Roi.

Mais pour pouvoir appliquer ce titre à Jésus, il nous faut le débarrasser de toute connotation de pouvoir, de force ou de domination. Jésus a condamné toute classe de pouvoir. Mais il n'a pas condamné seulement celui qui soumet, mais avec la même fermeté celui qui se laisse soumettre. Nous oublions cet aspect et nous bornons à accuser ceux qui dominent.

Jésus veut des être humains complets, c'est à dire libres. Jésus veut des êtres humains ayant reçu l'onction de l'Esprit de Dieu, qui soient capables de manifester le divin à travers leur humanité. Celui qui asservit comme celui qui se laisse asservir cesse d'être humain et s'éloigne du divin.

Bien entendu, la plus néfaste de toutes les oppressions est celle qui s'exerce au nom de Dieu. Elle peut parvenir au plus profond de l'être. L'emploi de termes militaires comme « chevaliers du Christ », croisés du Christ, pour désigner des personnes ou des associations qui prétendent être liées de près à Jésus est le signe évident d'une déformation de l'évangile.

Chaque fois que nous prions le Notre Père, nous disons « que ton Royaume vienne ». Il ne s'agit pas d'une imposition par la force, ou qui doive venir de l'extérieur. Nous voulons exprimer le désir que chacun de nous rendre Dieu présent, en agissant comme il l'aurait fait lui même s'il était à notre place.

Et nous savons parfaitement comment agissait Jésus: à partir de l'amour, de la tolérance, du service. Tout le reste est du bavardage. Ni programme, ni doctrine, ni rites ne servent à rien si nous n'entrons pas dans la dynamique du Royaume.

Jésus veut que nous soyons tous « rois », c'est à dire que nous ne nous laissions rien ni personne nous asservir. Lorsqu'il répond à Pilate, il ne dit pas « je suis le roi », mais « je suis roi ». Il démontre ainsi que n'importe qui peut découvrir son être véritable et agir en se laissant guider par les exigences qui en découlent.

Lorsqu'il crée, Dieu ne reste pas en marge de ce qu'il crée, mais il est toujours présent dans sa création comme fondement essentiel, la protégeant, l'entourant, consumant les scories de chaque créature jusqu'à ce qu'il n'en reste que ce qu'il y a en elle de Dieu.

 

Méditation-contemplation


«Pas de ce monde » ne veut pas dire que c'est un royaume pour l'au-dela.

Cela signifie qu'il n'est pas un royaume comme ceux que nous connaissons ici bas.

Le Royaume de Jésus c'est le Royaume de Dieu,

règne de l'amour, du service d'autrui, du dévouement total.

 

Christ est roi parce qu'il est Seigneur de lui même.

Ce qu'il y a en lui de Dieu gouverne tout son être.

Rien de ce qu'il est ne demeure hors de l'influence divine.

De la même façon, tu es appelé toi aussi à être roi.

 

Jésus le dit à Pilate: Je suis venu pour rendre témoignage à la vérité.

Parce qu'il est Vérité, parce qu'il est authentique, il est Roi de soi même.

Chez lui, le spirituel règne sur le psychologique et le biologique.

Voilà pour toi la manière de parvenir à être roi.

 

Fray Marcos

(Trad. Maurice Audibert)

Read 3490 times
Login to post comments