BONHEUR MENACÉ
José Antonio PagolaL'Occident n'a pas voulu croire en l'amour comme source de vie et de bonheur pour l'homme et pour la société. Les béatitudes de Jésus restent un langage inintelligible et incroyable, même pour ceux d'entre nous qui se disent chrétiens.
Nous avons placé le bonheur dans d'autres choses. Nous avons même confondu bonheur et bien-être. Et, bien que peu de personnes osent l'avouer ouvertement, pour beaucoup le facteur décisif du bonheur est «d'avoir de l'argent».
Elles n'ont pratiquement aucun autre projet de vie. Travailler pour avoir de l'argent. Avoir de l'argent pour acheter des choses. Posséder des choses afin d'acquérir une position et d'être quelqu'un dans la société. C'est le bonheur auquel nous croyons. C'est le chemin que nous essayons de suivre dans la poursuite du bonheur.
Nous vivons dans une société qui, au fond, sait que quelque chose d'absurde est enfermé dans tout cela, mais qui n'est pas capable de chercher un bonheur plus vrai. Nous aimons notre manière de vivre, même si nous sentons qu'elle ne nous rend pas heureux.
Nous, croyants, nous devrions nous rappeler que Jésus n'a pas seulement parlé des béatitudes. Il a également lancé des malédictions menaçantes à ceux qui, oubliant l'appel de l'amour, se contentent de jouir de leur propre bien-être. Voilà la menace de Jésus: ceux qui possèdent et jouissent de tout ce que leur coeur égoïste a désiré découvriront un jour qu'il n'y a pas pour eux plus de bonheur que ce qu'ils ont déjà goûté.
Peut-être vivons-nous une époque où nous commençons à mieux percevoir la vérité ultime contenue dans les menaces de Jésus: «Malheur à vous qui êtes riches, car vous avez votre consolation; malheur à vous qui êtes rassasiés, car vous aurez faim ; malheur à vous qui riez maintenant, car vous pleurerez».
Nous commençons à faire l'expérience que le bonheur ne réside pas dans le pur bien-être. La civilisation de l'abondance nous offre des moyens de vivre, mais pas des raisons de vivre. L'insatisfaction actuelle de beaucoup n'est pas seulement et principalement due à la crise économique, mais surtout à la crise des véritables raisons de vivre, de lutter, de jouir, de souffrir et d'espérer.
Il y a peu de gens heureux. Nous avons appris beaucoup de choses, mais nous ne savons pas comment être heureux. Nous avons besoin de tellement de choses que nous sommes devenus de vrais nécessiteux. Pour atteindre notre bien-être, nous sommes capables de mentir, de frauder, de nous trahir nous-mêmes et de nous détruire mutuellement. Ce n'est pas ainsi que l'on peut être heureux.
Et si Jésus avait raison? Notre «bonheur» n'est-il pas trop menacé? Ne devons-nous pas chercher une autre société dont l'idéal ne soit pas le développement matériel sans fin, mais la satisfaction des besoins vitaux de chacun? Ne serons-nous pas plus heureux lorsque nous apprendrons à avoir moins de besoins et à partager davantage?
José Antonio Pagola
Traducteur: Carlos Orduna
Publicado en www.gruposdejesus.com