DE LA PEUR À L'AMOUR
José Antonio PagolaCe n'est pas une phrase de plus. Ce commandement, plein de mystère et de promesse, est la clé du christianisme: «Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés: demeurez dans mon amour». Nous touchons ici le coeur même de la foi chrétienne, le critère ultime pour en discerner la vérité. Ce n'est qu'en «demeurant dans l'amour» que nous pouvons marcher dans la vraie direction. Oublier cet amour, c'est s'égarer, c'est emprunter des chemins non chrétiens, c'est tout fausser, c'est dénaturer le christianisme à la racine.
Et pourtant, nous ne sommes pas toujours restés dans cet amour. Dans la vie de nombreux chrétiens, il y a eu et il y a encore trop de peur, trop de manque de confiance filiale en Dieu. La prédication qui a nourri ces chrétiens a trop oublié l'amour de Dieu, étouffant ainsi la joie initiale, vivante et contagieuse qu'avait le christianisme.
Ce qui était autrefois une «bonne nouvelle», parce qu'elle annonçait aux hommes «l'amour insondable» de Dieu, est devenu pour beaucoup la mauvaise nouvelle d'un Dieu menaçant, que l'on rejette presque instinctivement parce qu'il ne permet pas aux hommes d'être et de vivre.
Cependant, la foi chrétienne ne peut être vécue sans trahir son essence, que comme une expérience positive, confiante et joyeuse. C'est pourquoi, à l'heure où beaucoup abandonnent un certain «christianisme» –le seul qu'ils connaissent– nous devons nous demander si, dans la gestation de cet abandon, et en liaison avec d'autres facteurs, il n'y a pas une réaction collective contre une annonce de Dieu qui n'est pas très fidèle à l'Évangile.
L'acceptation ou le rejet de Dieu dépend, dans une large mesure, de la manière dont nous le sentons en face de nous. Si nous ne le percevons que comme un surveillant implacable de notre comportement, nous ferons tout pour l'éviter. Si nous le percevons comme un ami qui anime notre vie, nous le rechercherons avec joie. Par conséquent, l'un des plus grands services que l'Église puisse rendre aux êtres humains est de les aider à passer de la peur à l'amour de Dieu.
Il existe en effet une crainte de Dieu qui est saine et fructueuse. L'Écriture l'appelle «le commencement de la sagesse». C'est la peur de gâcher notre vie en nous fermant à lui. C'est une crainte qui réveille la personne de la superficialité et la ramène à Dieu. Mais il y a une peur de Dieu qui est mauvaise. Elle ne rapproche pas de Dieu. Au contraire, elle nous éloigne de plus en plus de lui. C'est une peur qui déforme l'être véritable de Dieu, le rendant inhumain. C'est une peur nuisible, sans fondement réel, qui étouffe la vie et la croissance saine de la personne.
Pour beaucoup, ce changement peut être décisif. Passer de la peur de Dieu, qui n'engendre rien d'autre qu'un rejet plus ou moins déguisé, à une confiance en lui qui fait naître en nous cette joie promise par Jésus: «Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète».
José Antonio Pagola
Traductor: Carlos Orduña
Publicado en www.gruposdejesus.com