LE JEUNE HOMME RICHE
Eloy RoyLes dictateurs Ben Ali, Moubarak, Kadhafi et Saleh ont été sortis à coups de pieds par leur peuple de Tunisie, d'Égypte, de la Libye et du Yémen. Allah aidant, ce sera bientôt au tour des Syriens de se débarrasser de leur coriace tyran à vilaine tête d'autruche.
Il fut un temps où ces leaders furent les « sauveurs » de leur peuple, mais, saoulés par le pouvoir, ils n'ont pas tardé à en devenir les bourreaux. Par les armes du mensonge, de la violence, du favoritisme, de la corruption et de la terreur, ils ont privé leur peuple de toute liberté, ils ont abusé de lui tant qu'ils ont pu, et ont amassé des fortunes qui se chiffrent en milliards de dollars,
Ces tyrans étaient tous d'ardents « fidèles » de l'Islam, cette « religion de paix » que 24% de l'humanité estime comme la plus parfaite des religions et comme celle qui promet au monde le plus brillant avenir.
Dans cinquante ou cent ans, on retrouvera certainement quelque part sur la planète des descendants de ces voyous qui auront de juteux comptes dans les banques de Suisse, de Londres, de New York, de Hong Kong ou d'ailleurs. Il arrivera peut-être que certains d'entre eux se comportent comme des citoyens modèles et de parfaits fidèles de leur «religion de paix». Mais qui convaincra ces heureux héritiers d'anciens tyrans que leur fortune ne leur appartient pas et qu'ils doivent la restituer au peuple auquel elle a été arrachée?
J'imagine que quelque chose de ce genre s'est débattu, un jour, lorsque Jésus croisa sur son chemin un jeune homme de très bonne réputation, qui était bourré d'argent.
Ce jeune homme, à part d'être jeune, beau et riche à craquer, était d'une pratique religieuse absolument exemplaire. Bien qu'il nageât dans le luxe, il était attiré par la vie éternelle. Et il croyait sincèrement que le meilleur chemin pour y parvenir était d'observer les commandements.
Comment il interprétait les commandements, l'histoire ne le dit pas, mais il semble que les curés de l'époque le trouvaient parfait.
Or, ce jeune homme, en rencontrant Jésus, s'approche de lui et lui demande son avis sur cette question.
Jésus sent tout de suite qu'il a devant lui un jeune peu banal. Il se prend même d'affection pour lui, dit-on. Il juge pourtant que ce ne serait pas l'aimer que de lui laisser croire qu'il est aussi parfait qu'on le dit.
Il lui dira donc, avec soupir sans doute et non sans grande douceur, qu'il est tout à fait dans le champ. Pour Jésus, il n'y a pas de spiritualité digne de ce nom, à moins qu'elle n'ouvre les yeux sur la réalité des pauvres, les oreilles à leur cri, le cœur et les mains à leur détresse. Pas de vie pleine, pas de vie en plénitude, en faisant l'économie des pauvres. Pas de vie éternelle en passant à côté ou en s'élevant au-dessus des rejetés de ce monde.
La voie parfaite, la voie sûre, la seule spiritualité authentique, c'est celle-ci : « Va, vends tout ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres; ça te fera un bon investissement dans les banques de Dieu. Puis viens et suis-moi », lui dira Jésus (Matthieu 19, 22).
Jésus savait bien que ce bon jeune homme était loin de soupçonner que sa fortune dégoulinait le sang.
Cette grande fortune, il ne l'avait certainement pas gagnée par ses propres efforts puisqu'il était jeune. Elle devait donc lui venir de sa famille. Comment sa famille l'avait-elle acquise? Il n'en avait pas la moindre idée. Peut-être que ses parents (ou grands-parents) étaient de braves gens qui croyaient eux aussi avoir pratiqué fidèlement tous les commandements.
Pourtant il est rare que quelqu'un puisse à la fois accumuler de grandes richesses et observer les commandements. Comme si on pouvait s'enrichir sans jamais profiter de la pauvreté, de la misère ou de la malchance des autres...
Devenir riche tout en aimant son prochain comme soi-même, est-ce possible? Peut-on vraiment accumuler de gros surplus lorsqu'on vend et achète au prix juste et lorsqu'on traite ses employés avec justice et qu'on leur paie un salaire juste?... Quelles sont les grandes fortunes qui ne se sont pas bâties sur le dos des autres? ...
Il y a du sang sur les mains des gros riches. Loin d'aimer leur prochain comme eux-mêmes, bien souvent ils l'ont carrément volé, ils l'ont trompé, ils en ont abusé, ils l'ont exploité. Alors, « va, vends tout ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres.. », car ce que tu possèdes ne t'appartient pas. Cela a été arraché aux pauvres. C'est à eux que cela revient.
Tu te contentes seulement d'être bon. Il est vrai que tu es bon, mais tu ne te préoccupes pas de justice. Comme bien des « bons », tu sépares la bonté de la justice.
Tu es riche et tu ne te sens pas responsable de la faim des pauvres, de la maladie, de la honte, de la détresse, de la mort des pauvres. Tu es riche et tu ne vois pas le lien entre ta richesse et la misère de ton peuple.
Moi, je te dis, que si tu veux la vie éternelle, sois plus que bon. Sois « parfait » en remettant aux pauvres ce qui leur revient. Autrement dit : sois juste et tu seras parfait. Et ainsi ta vie se prolongera éternellement dans celle de Dieu.
Plusieurs se disent : « Si Dieu nous aime, il ne peut pas nous empêcher de devenir riches ». C'est vrai. Dieu veut que nous soyons riches; pas seulement nous, cependant, mais tout le monde. Dieu veut la JUSTICE.
On a toujours dit qu'il faut toujours produire plus de richesse afin d'en avoir plus à partager. C'est bien l'évangile que les riches prêchent depuis toujours.
Même au temps de Jésus on croyait que la pauvreté disparaîtrait au fur et à mesure que l'économie croîtrait. Cette vieille méthode a été pratiquée jusqu'à aujourd'hui, avec les résultats que nous savons : les riches toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres.
Nous avons récemment les banques les plus puissantes et les entreprises les plus riches du monde prendre de sérieuses dégringolades; quelle en a été la cause: le manque de croissance ? El lorsque la croissance a été de nouveau au rendez-vous, où son allés les surplus? Ont-ils été partagés pour diminuer la pauvreté?...
L'histoire du jeune riche se termine avec ces mots : « Parce qu'il avait de grandes propriétés, le jeune homme s'est retiré. Il était triste. »
Alors Jésus laissa tomber un autre commentaire qui donne encore beaucoup de fil à retordre à nos « bonnes » gens qui adorent l'argent » : « Il est plus facile pour un chameau de passer par le chas d'une aiguille que pour un riche d'entrer dans le monde de Dieu. »[1]
Ce "monde de Dieu" que Jésus appelle « le Royaume » c'est beaucoup de choses, mais c'est d'abord et avant tout un monde tout simple dans lequel la justice la plus élémentaire coule comme un fleuve.
Eloy Roy
1 Matthieu 19, 22.
2 Matthieu 19, 22.24