NE PAS DEMANDER; RECONNAÎTRE
Enrique Martínez LozanoLc 11, 1-13
On pourrait dire que, en grande partie, la prière a été identifiée habituellement avec la demande. Bien que les traditions religieuses aient connu d'autres formes –louange ou gratitude-, dans l'imaginaire collectif, prier est apparu comme synonyme de demander quelque bien à Dieu.
La prière de demande a bien marché dès la conscience –à certaines occassions, dramatique– du besoin même, et dès la projection de l'image d'un Dieu qui est apparu -pas par hasard non plus- comme "Père Tout-puissant", où, finalement les rêves d'enfant de toute-puissance allaient trouver une réponse accomplie, qui nous accompagnent les humains depuis l'enfance.
Cette ressemblance avec nos rêves d'enfance aurait dû nous faire soupçonner de ce type de prière, du fait que par inadvertance nous pouvions nous fabriquer un dieu à notre mesure ..., convaincus qu'il était le vrai Dieu.
Le résultat ne pouvait être autrement: la prière de demande devenait une efficace "usine d'athées." Et non pas seulement parce que, très souvent, la demande restait sans réponse et celui qui priait ne comprenait pas sa frustration, mais par la même image de Dieu que cela donnait pour réponse.
En effet, cette forme de prière "passait" d'une manière subtile, l'idée que Dieu pourrait être mieux qu'il est. Pourquoi il ne l'était pas? Il ne pouvait y avoir que deux raisons: soit il n'était pas au courant de la situation, soit il avait le cœur endurci. C'est-à-dire, il semblerait que celui qui prie serait plus informé ou serait plus sensible aux besoins humains. En fin de compte, il était facile de finir par penser que Dieu n'était pas mieux que nous.
Je me souviens encore avec un peu de peine le commentaire d'un enfant à qui sa mère, le jour même où le gouvernement américain a déclenché la guerre contre l'Irak, lui a dit que tous les soirs ils allaient demander à Dieu d'accorder la paix dans la région. Après quelques semaines, l'enfant m'a dit tristement: "Dieu ne doit pas être très bon. Il y a quelques jours nous lui avons demandé à la paix ... et il ne veut pas la donner".
Il me semble clair que la prière de demande contient trois intuitions valables: 1) la conscience de la propre fragilité, 2) la prise de conscience que nous pouvons "atteindre" les autres dès notre cœur, 3) la certitude que le Fond du réel (Dieu) est bon.
Mais, même étant certaines, il faudrait trouver un moyen de les "traduire" à notre "langage culturelle" pour éviter cette distorsion du visage de Dieu. Et ceci ne serait pas résolu en se référant à la litteralité du texte que nous lisons aujourd'hui ("Jésus nous exhorte à demander à Dieu"), mais saississant la sagesse que ce texte contient au-delà du littéralisme.
Du point de vue non-duel, tout est en tout et, dans sa dimension la plus profonde, tout est bien. C'est pourquoi Jésus parle avec vérité: "Celui qui demande reçoit, qui cherche trouve, et à celui qui frappe on l'ouvrira". Ceci est déjà ainsi. Qu'est-ce que recevons ou trouvons? Qu'est-ce qui nous est ouvert? La plénitude de ce que nous sommes. D'où aussi, la conclusion est catégorique: "Combien plus votre Père qui est aux cieux donnera l'Esprit Saint à ceux qui le lui demandent."
Il est très significatif que, dans le texte parallèle de Matthieu (7,11), on disse: "Combien plus votre Père qui est aux cieux, donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent." La différence n'est pas moindre: la seule "bonne chose" est l'Esprit. Et c'est quelque chose que nous avons déjà - plus exactement, nous sommes - tous. Demander n'importe quoi n'est pas efficace, car cela ne sert qu'à grossir l'ego.
Or, quand nous désirons de coeur l'Esprit et nous sommes prêts à nous désapproprier de l'ego, nous nous rendons compte que nous sommes déjà ce que notre cœur désirait (aspirait). Il n'y a aucune distance entre ce que nous sommes et ce que nous désirons (aspirons), à l'exception de l'ignorance qui nous empêche de le voir. Et à partir de cette identité profonde, "l'intercession" fonctionne: nous sommes un grand Réseau, et tout répercute en tout. C'est pourquoi, la "prière" atteint toujours les personnes pour lesquelles nous prions.
Enrique Martínez Lozano
Traducteur: María Ortega