LE MANQUE DE FOI BATIT DES IDOLES
Fray MarcosLc 17, 5-12
L'évangile continue avec des propositions sans lien apparent, mais Luc suit un fil conducteur très subtil. Jusqu'à aujourd'hui il nous avait dit de différentes façons de ne pas mettre notre confiance dans les richesses, le pouvoir, le luxe; mais il fait aujourd'hui un pas de plus en nous disant: ne la mets pas non plus dans tes « bonnes oeuvres » ni dans la « religion ». Aie confiance en Dieu seul.
Les gens qui passent leur vie à accumuler des mérites n'ont pas confiance en Dieu, mais en eux-mêmes. Le salut par points est ce qu'il y a de plus contraire à l'évangile. C'était l'attitude des pharisiens critiquée par Jésus.
Les deux thèmes que nous propose l'évangile d'aujourd'hui sont intimement liés. C'est en Dieu seul que nous devons mettre notre confiance et non dans les oeuvres. Il est fort peu probable que les apôtres aient fait cette demande à Jésus, parce qu'elle présuppose la conscience de la divinité en Jésus, à laquelle ils ne parvinrent qu'après la résurrection. L'important c'est la réponse de Jésus avec l'exemple du figuier transplanté. Cette image-là, oui, peut remonter à Jésus lui même: d'autres évangélistes, dans des contextes différents, la rapportent aussi avec le même message, même si la montagne a pris la place du figuier.
La parabole du simple serviteur dont la seule obligation est de faire ce qui est ordonné sans aucun mérite, est dans la ligne de la critique aux pharisiens qui comptent sur l'accomplissement de la Loi comme seul chemin de salut. Il s'agit de l'éternel problème de la foi ou les oeuvres. Il est curieux d'ailleurs qu'il se soit posé aussi tôt dans le christianisme. Combien de problèmes aurions nous évités, si nous n'avions pas oublié l'évangile ! Dieu n'a pas a faire grandir en nous la foi, pas plus que nous ne sommes des serviteurs inutiles. Découvrir ce que nous sommes réellement serait la clé pour une véritable confiance en Dieu, dans la vie, dans la personne humaine...
Jésus ne répond pas directement aux apôtres. Il veut faire comprendre que la demande -fais grandir en nous la foi- est mal posée. Il ne s'agit pas de quantité, mais d'authenticité. Jésus ne pouvait pas augmenter leur foi, parce qu'ils ne l'avaient pas, même dans sa plus petite expression.
La foi c'est vivre de Dieu, c'est pour cela qu'elle n'a rien à voir avec la quantité. La graine de moutarde, même minuscule, contient de la vie, exactement de la même façon que la plus grosse des semences. Cette vie-là, c'est ce qui importe vraiment.
On ne peut augmenter la foi du dehors, elle doit grandir depuis l'intérieur, comme la graine de moutarde. Malgré cela, dans la majorité des homélies que j'ai lues avant d'élaborer celle ci, on termine en demandant à Dieu qu'il augmente en nous la foi. Nous pourrions effectivement dire que la foi est un don de Dieu, mais un don qui a été donné a tout le monde; en voyant chacune de ses créatures, on peut découvrir ce que Dieu fait en elles à chaque moment.
Rappelez vous qu'en parlant de la foi en « Dieu » je l'ai mis entre guillemets. Le contraire de la foi, c'est l'idolâtrie. L'idole est le résultat automatique de la peur. Nous avons besoin de l'être supérieur qui me sorte les marrons du feu et en qui je puisse avoir confiance quand je ne peux avoir confiance en moi-même. Mais de même que Dieu ne se promène pas par là faisant de ridicules petits miracles, de même
nous n'avons pas à utiliser Dieu pour changer la réalité qui ne nous plait pas.
On a très longtemps interprété la réponse de Jésus comme la promesse de pouvoirs magiques, en vue d'oeuvres prodigieuses. L'image de la montagne transplantée dans la mer est absurde. Avec cette image, ce que nous dit l'évangile, c'est que toute la force de Dieu est déjà en nous. Celui qui a confiance pourra déployer toute cette énergie.
La foi n'est pas un acte, ni une série d'actes, mais une attitude personnelle, fondamentale et totale qui donne à l'existence une direction définitive. Avoir confiance en ce que je suis réellement me donne une liberté de mouvement pour déployer toutes mes possibilités humaines. Notre foi reste encore infantile et immature et elle n'a pour cette raison rien à voir avec ce que nous propose l'évangile. La majorité des chrétiens n'ont pas envie de mûrir dans la foi par crainte des exigences que cela entrainerait.
Tant au niveau religieux que civil on a tous les jours moins confiance dans la personne humaine. Tout est réglementé, commandé ou interdit, ce qui est bien plus facile qu'aider la personne à mûrir de sorte qu'elle agisse par conviction depuis l'intérieur. Nous somme en train de convertir le globe terrestre en un gigantesque camp de concentration. On n'éduque plus les enfants pour qu'ils soient eux-mêmes,mais pour qu'ils répondent automatiquement aux stimuli qui leur parviennent de l'extérieur. (Hay aqui una relacion, y por consiguiente un sentido que no logro entender, entre las palabras « encantados » y « indefension »....) Ce qui est difficile c'est d'éduquer de telle manière que chaque individu soit lui-même et sache personnellement répondre face à toutes les offres de salut qui lui parviennent.
Pour la majorité des chrétiens, croire c'est donner son accord à une série de vérités théoriques que nous sommes incapables de comprendre. Cette idée de la foi, comme ensemble de doctrines est une chose complètement étrangère tant à l'Ancien Testament qu'au Nouveau. Dans la Bible, la foi est l'équivalent de la confiance envers une personne. Confiance qui se comprendrait mal si nous n'ajoutons pas qu'elle doit s'accompagner de la fidélité. La foi-confiance biblique suppose la foi, suppose l'espérance et suppose l'amour. Cette foi-là nous sauverait vraiment. Elle ne s'acquiert pas avec des propagandes ni des impositions, parce qu'elle naît du plus profond de chaque être humain.
Il ne s'agit pas d'attendre que Dieu nous sauve de nos limitations, mais de trouver Dieu et son salut malgré celles-ci. Cette confiance-là il ne faut pas que nous la projetions sur une Personne qui est hors de nous et du monde. Nous devons mettre notre confiance en un Dieu qui est là et fait partie de la Création et donc de nous mêmes. Croire en Dieu c'est parier pour la création, c'est mettre notre confiance en l'homme. C'est construire la réalité matérielle, ne pas la détruire, c'est être pour la vie et non pour la mort. Pour l'amour et non pour la haine, pour l'unité et non la division. Essayons de découvrir pourquoi tant de gens qui ne « croient » pas, nous sont bien supérieurs dans le combat pour la défense de la nature, de la vie et de l'homme.
Une fois dépassée l'idée de la foi comme croyance, ayant accepté qu'elle est « confiance en »..., Il nous reste un long chemin à faire pour arriver à une juste compréhension du terme. La foi que nous demande l'évangile n'est pas la confiance en un seigneur puissant, au dessus et hors du monde, qui puisse nous sortir les marrons du feu. Il s'agit plutôt de la confiance en ce Dieu inséparable de toute créature, qui les traverse et les soutient dans l'être.
L'être humain peut faire l'expérience de cette présence comme personnelle. Dans le reste de la Création, elle se manifeste comme une énergie qui transmet sa force et spécifie chaque être selon ses possibilités. Croire en Dieu, c'est avoir confiance dans les possibilités qu'a chaque créature de parvenir à sa propre plénitude. Croire en Dieu c'est avoir confiance en l'homme et en ses possibilités de parvenir à sa
plénitude humaine.
La mini parabole du simple serviteur doit nous amener à une réflexion profonde. Elle ne veut pas dire qu'il faut nous sentir esclaves et moins encore inutiles, tout au contraire. Elle nous prévient que vivre notre relation à Dieu comme si nous étions ses esclaves nous détériore et nous déshumanise. C'est une critique de la relation du peuple juif avec Dieu qui était basée sur le strict accomplissement de la Loi et sur la croyance que cet accomplissement les sauvait. La parabole est un témoignage contre l'attitude pharisienne qui présentait la relation avec Dieu comme celle d'un esclave face à son seigneur. Si le peuple respectait la Loi, Dieu était obligé de s'acquitter envers lui.
Pour Jésus la tâche du disciple est de rompre avec l'institution juive qui produit un esclavage, mais ne sert à rien devant un Dieu que nous ne pouvons voir comme un seigneur. Si nous continuons à être « esclaves », nous continuerons à être « inutiles ». Les disciples ne s'étaient pas encore détachés de l'institution juive, et Jésus leur fait comprendre qu'ils n'ont pas la foi, même gros comme une graine de moutarde. Jésus ne nous demande pas de « servir » Dieu, mais de servir le frère. Dieu ne veut pas d'esclaves, mais des personnes libres qui agissent, depuis l'intérieur, par amour-compassion. Les « bonnes oeuvres » ne sont pas un justificatif que nous pourrions présenter à Dieu. Elles sont plutôt la manifestation que nous avons accueilli Son amour.
Méditation-contemplation
« Si tu avais de la foi gros comme une graine de moutarde... »
Si la confiance n'est pas absolue et totale, ce n'est pas de la confiance.
Le plus grand ennemi de la foi-confiance sont les croyances,
parce qu'elles exigent la confiance en elles-mêmes,
et ainsi tuent la possibilité d'ancrer ton être en Dieu.
Avoir foi n'est pas attendre que les choses changent.
Avoir foi c'est trouver Dieu dans les pires circonstances.
Avoir foi c'est être capable d'enfouir la suffisance au fond de moi,
pour annuler l'effet négatif de toutes les limitations.
Découvrir qui est Dieu c'est avoir confiance absolument.
C'est découvrir mon être propre ainsi que celui des autres.
C'est valoriser la vie au delà de ses limites.
C'est déployer ce que j'ai de plus personnel, connecté avec Dieu.
Fray Marcos
(Trad. Maurice Audibert)