CE QU'ILS ONT VU EN JESUS, C'EST CE QUE NOUS SOMMES TOUS
Fray MarcosMt 17, 1-9
Dimanche dernier, se jeter du temple pour être recueilli par les anges, était une tentation. Mais aujourd'hui une spectaculaire mise en scène de son et lumière nous semble la chose la plus naturelle du monde. Du point de vue rationnel, c'est une contradiction, mais les vérités transcendantes sont au delà de toute logique et une formulation peut refléter la vérité et son contraire.
Nous ne savons pas comment s'est construit ce récit, mais il doit être fort ancien, parce que Marc le raconte déjà complètement élaboré. Après avoir expérimenté dans l'expérience pascale ce qu'était réellement Jésus, ils tentèrent de communiquer ce vécu où ils avaient trouvé Vie. Afin de le rendre crédible, ils le situèrent au cours de la vie terrestre de Jésus, juste avant l'annonce de la Passion. De cette façon, ils dissimulaient l'aveuglement qui les avait empêchés de découvrir qui il était.
Une mise en scène de la part de Jésus est impensable; ce n'est ni son style, ni sa façon de se présenter devant ses disciples. Il nous faut comprendre par conséquent que ce n'est pas la chronique d'un événement. Il s'agit d'une théophanie, bâtie avec les éléments et la structure de celles nombreuses rapportées dans l'AT. Il s'agit probablement d'un récit pascal situé à l'époque de sa vie publique longtemps après avoir été élaboré.
Rien dans ce récit n'est original, il est tissé des nombreux éléments symboliques dont les théophanies son coutumières. La voix de Dieu, elle même, est incapable d'apporter du nouveau, elle répète exactement ce qu'elle a dit pour le baptême. Il s'agit d'exprimer la présence divine en Jésus, dans un langage reconnaissable par tous. L'important, c'est ce que l'on veut communiquer et non les éléments utilisés pour la communication.
Il n'est guère vraisemblable que cette « vision » ait eu lieu durant la vie terrestre de Jésus. Si les apôtres avaient eu, avant la passion et la mort, cette expérience de ce qu'était Jésus, ils ne l'auraient pas abandonné, ni renié peu après. On ne peut y voir
non plus une tentative de préparer les apôtres au scandale de la croix. Si tel eut été l'objectif, l'échec fut absolu: « Tous l'abandonnèrent et prirent la fuite ».
Il n'y a que dans l'expérience pascale que les disciples ont pris conscience de qui était réellement Jésus. C'est là qu'ils se rendirent compte que ce qu'ils découvrirent après sa mort était déjà présent en lui lorsqu'ils marchaient sur les chemins de Palestine. Les exégètes soulignent le fait que nous sommes devant un récit pascal. S'il est placé dans le cours de la vie terrestre c'est dans le but de montrer que Jésus a toujours été un être divin.
N'imaginons pas un Jésus qui garderait un as dans sa manche pour le sortir dans les moments difficiles. Dans son humanité est présent ce qu'il y a de Dieu en lui. Le divin ne pourra jamais être perçu par les sens. Il est temps de prendre l'incarnation au sérieux et d'arrêter de ridiculiser Dieu.
La seule gloire de Dieu est son amour. Appliquer à Dieu nos perspectives de grandeur est simplement le ridiculiser. Le don total, la mort par amour, est la plus grande gloire de Jésus et celle de tout être humain. Jésus a constamment vécu transfiguré, mais il est ridicule de penser que cette plénitude d'être devait se manifester extérieurement (jusque dans les vêtements) par des signes spectaculaires. Son humanité et sa divinité s'exprimait chaque fois qu'il s'approchait d'un homme pour l'aider à être lui même. La seule lumière qui transforme Jésus est celle de l'amour, et elle n'illumine que lorsqu'il manifeste cet amour-là. Dieu ne transparaît que dans l'humain.
Les récits de théophanies que nous rencontrons dans l'Ancien Testament sont des essais pour transmettre les expériences personnelles d'êtres humains concrets. Ce vécu est toujours intérieur et indicible. La présence de Dieu est le point de départ. Elle est notre être véritable.
Il en prit trois avec lui: Une expérience intérieure est toujours personnelle et non collective, c'est pourquoi ils nous sont présentés avec leurs noms propres. Souvenons nous que Moïse lui aussi est monté sur la montagne accompagné de trois personnes concrètes.
La montagne: Toutes les traditions religieuses en font le lieu du divin. Dieu étant supposé être au ciel, l'endroit le plus proche du ciel sera le plus approprié pour sa manifestation.
Visage resplendissant: La gloire de Dieu se communique à ceux qui sont proches de lui. On a dû couvrir son visage à Moïse quand il descendit du Sinaï car sa luminosité blessait les yeux.
La lumière: elle a toujours été le symbole de la présence de la Gloire de Dieu.
La nuée: symbole de la présence protectrice de Dieu. Elle protégeait du soleil les Israélites dans le désert.
Moïse et Elie: Jésus relié à tout l'AT. La Loi et les prophètes en dialogue avec Jésus. L'évangile prolonge et dépasse l'AT
La voix: la parole a toujours été l'instrument de l'action de Dieu, le véhicule grâce auquel se réalisait sa volonté.
Ecoutez-le ! :c'est la clé de tout le récit. Seulement lui, même pas Moïse ni Elie.
La crainte: elle est présente aussi dans toutes les théophanies. La présence du divin effraie l'homme, qui se sent tout petit. Dans l'AT, la peur est aussi celle de mourir pour avoir vu Dieu.
Le fond du message évangélique d'aujourd'hui, c'est de proposer Jésus comme la présence de Dieu parmi les hommes, mais d'une façon toute différente de celle présentée dans l'AT. Pour cela, il faut l'écouter. Son humanité dans sa plénitude est la Parole définitive. Ecouter le Fils, c'est se transformer en lui, pouvoir manifester l'amour dans le don total de soi.
La plénitude de l'homme réside dans le don total. Pas dans la résurrection post mortem ni dans le bonheur après la souffrance. La Vie et la gloire sont présentes là où est l'amour. La vie de Jésus se présente comme un Exode dont le point d'arrivée sera le Père, qui était le point de départ au début de la route.
Pour nous chrétiens il reste encore un pas à faire. Il nous faut voir le don, même accompagné de souffrance, comme le but de tout être humain. L'amour est la seule chose qui démontre que nous sommes enfants de Dieu. Se donner aux autres parce que tu en attends une récompense, cela n'a rien de chrétien. Le but ne réside pas
dans « la gloire ». La gloire c'est de se déprendre de soi pour les autres.
Jésus nous révèle un Dieu qui se donne totalement sans rien nous demander en échange. Ce qui doit m'animer n'est pas l'espoir d'une récompense, mais la confiance en une présence. Ce que nous dit la transfiguration, c'est qu'était réellement Jésus et ce qu'est réellement chacun d'entre nous.
Quitte ton pays ! Abandonne ton matérialisme et pénètre plus avant sur les chemins de l'Esprit. Tu vis en exil sur une terre étrangère, ce n'est pas l'endroit qui est le tien.
MEDITATION-CONTEMPLATION
Les disciples ont découvert la vérité de Jésus.
Il était tout entier lumière parce que Dieu l'inondait.
Voilà le point de départ pour lui et pour nous.
L'objectif final, c'est le don aux autres absolu et total.
Ne nous attendons pas à ce que se produise en nous une transfiguration,
il s'agit de découvrir notre être non défiguré.
Je n'ai pas à cheminer vers un but fantastique qui m'est promis,
mais de découvrir en moi dès maintenant le don le plus sublime, Dieu lui même.
Il n'est pas question d'attendre qu'on m'ajoute bagues ou camails extérieurs,
mais de vivre ma réalité essentielle qui est déjà en moi.
Nous avons imaginé Dieu dans les hauteurs,
Jésus nous a dit qu'il réside dans la profondeur de mon être.
Fray Marcos
(Traduction M.A.)