LE PARACLET
Fray MarcosJn 14, 15-21
L'évangile que nous venons de lire est pratiquement la suite de celui de dimanche dernier. Il s'agit d'une théologie très élaborée sur la présence de Dieu dans la première communauté. L'évangile de Jean met cette théologie dans la bouche de Jésus.
Jean tente de montrer aux chrétiens de la fin du 1° siècle qu'ils n'étaient pas désavantagés par rapport à ceux qui avaient connu Jésus. D'où l'importance du sujet, pour nous y compris.
Le texte nous place devant la réalité de Jésus vivant, qui nous fait vivre de la vie qu'il tenait avant et après sa mort et qui se manifeste maintenant de façon nouvelle. D'où l'entrée en jeu d'un nouvel acteur: l'Esprit.
La relation de Jésus, de Dieu et de l'Esprit avec ces chrétiens de la fin du premier siècle n'est pas une relation avec une entité extérieure à l'être humain, ou avec trois réalités séparées, mais avec la même réalité sous des noms différents. Après sa mort, le Jésus qui vécut en Galilée s'est identifié absolument avec Dieu qui est Esprit. Les trois sont maintenant inséparables.
« Si vous m'aimez, vous garderez mes commandements ». Commandements réduits à un seul: aimer. Qui n'aime pas autrui ne peut aimer ni Jésus ni Dieu. Les commandements sont dorénavant une exigence intérieure de l'amour. Ils ne sont plus une obéissance à des normes extérieures, mais la manifestation d'un élan intérieur. Le mot de « commandements » est conservé pour les distinguer de la « loi ». Les « exigences » ne sont pas des obligations imposées du dehors, mais la réponse de l'amour aux possibilités de parvenir à la plénitude humaine qui doit se manifester en toute circonstance concrète.
Pour Jean, il n'existe qu'un seul « péché du monde »: l'oppression, qui se manifeste ensuite sous toutes formes d'injustices. L' « amour », unique lui aussi, se manifeste sous toutes formes de solidarité et de service d'autrui.
Je demanderai au Père qu'il envoie un autre défenseur qui sera pour toujours avec vous. Jésus ne parle pas d'une réalité distincte de ce qu'il est, lui, ou de ce qu'est Dieu. Il parle d'une nouvelle manière de faire l'expérience de l'amour qui sera plus proche et plus effective que sa présence physique. Il dit d'abord qu'il enverra l'Esprit, ensuite qu'il reviendra pour être avec eux, et enfin que le Père et lui viendront pour y demeurer. Ce qui signifie qu'il s'agit d'une réalité unique et multiple à la fois.
« Defensor » (paraclètos) = celui qui est une aide en toute circonstance
Avocat de la défense, quand il s'agit d'un jugement.
Il s'agit naturellement d'une métaphore. La « défense » en question ne viendra pas d'ailleurs. Elle sera la force de Dieu-Esprit agissant en chacun.
Elle a un double rôle: maintenir vivant et interpréter le message de jésus, donner sécurité et guider les disciples dans leur combat contre le monde. Quand Jésus s'en ira, l'Esprit sera l'unique défenseur, mais il sera beaucoup plus efficace car il défendra chacun depuis l'intérieur.
« L'Esprit de la Vérité ». Le terme grec « alêtheia » = vérité et loyauté, met en connection la vérité avec la fidélité, c'est à dire avec l'amour.
« Le monde » ici, c'est l'ordre injuste professant le mensonge, la fausseté. Ce que le monde propose comme valeur est ce qui altère ou supprime la vie en l'homme. Le contraire de Dieu.
Les disciples ont déjà fait l'expérience de l'Esprit, mais résidant en eux comme principe dynamique intérieur, celle ci sera bien plus grande. Je suis identifié avec le Père, vous avec moi et moi avec vous. Partageant la Vie même de Dieu, celle à laquelle participe Jésus lui-même, ils feront l'expérience de l'unité complète avec Jésus et avec Dieu. Expérience si forte que rien ni personne ne pourra leur enlever.
Lorsqu'ils aiment, c'est Dieu lui même qui aime. L'amour qui est Dieu se manifeste en eux comme il s'est manifesté en Jésus.
Celui qui aime mes commandements et les garde, celui là m'aime en vérité; celui qui m'aime, mon Père l'aimera, je l'aimerai et me manifesterai à lui. Message d'amour pour l'homme et non de soumission.
Dans l'AT, la présence de Dieu était localisée en un lieu, la tente de la rencontre ou le temple; dorénavant chaque membre la communauté sera la demeure de Dieu. Ce ne sera pas seulement une expérience intérieure, l'amour manifesté rendra visible cette présence. La « présence » va être une caractéristique des temps messianiques (Ez 37, 26) (Zac 2, 14).
Jésus répond à une question de l'autre Judas, pas l'Iscariote. Celui qui m'aime sera fidèle à mon message et mon Père lui montrera son amour: nous viendrons à lui et nous ferons avec lui notre demeure. Cela déjà été dit: les disciples ont la garantie de la présence du Père et de la sienne. Présence qui ne va pas être ponctuelle, mais continue. Encore une fois est utilisé le verbe « demeurer » qui exprime une attitude résolue de Dieu envers l'homme. L'identité de Jésus avec Dieu, une fois achevé son parcours terrestre, est une fois encore confirmée.
« je vous dis ces choses alors que je vis avec vous ». Tout ce que Jean fait dire à Jésus, il le dit lui même, mais il lui faut montrer que Jésus avait préparé les disciples pour affronter la nouvelle étape durant laquelle il ne serait plus avec eux. Encore une référence au départ.
Il vient de leur exposer le plan de Dieu pour l'homme, ils le comprendront peu à peu. Ces textes sont écrits à la fin du 1° siècle. « L'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom vous enseignera tout, vous rappelant tout ce que je vous ai dit. » La compréhension totale de ce qu'il leur a dit leur parviendra avec l'aide de l'Esprit.
Telle était déjà l'expérience des premières communautés. On l'appelle maintenant Esprit Saint. Il est saint ou séparé car il appartient à la sphère du divin. Il sanctifie ou sépare parce qu'il mène de la ténèbre qui est mort à la lumière qui est vie.
L'enseignement de l'Esprit est celui de Jésus lui-même. Tant que l'Esprit ne nous sépare pas du monde injuste, nous ne pourrons pas comprendre le message de Jésus. Ne pas avoir fait cette expérience a conduit à beaucoup de conclusions fausses ceux qui vivaient avec Jésus.
Jésus a vécu une identification avec Dieu une identification qu'il nous est impossible d'exprimer par des mots. « Moi et le Père, nous sommes un ». C'est à cette même identification que nous sommes appelés. Dieu est le fondement de mon être et sans lui rien de moi ne peut exister.
Cette présence en moi de Dieu n'altère en rien ce que je suis. Je suis totalement moi et totalement (de) Dieu. Vivre cette réalité est ce qui constitue la plénitude de l'homme.
C'est en cela que consiste le message de Jésus. Découvrir et vivre cette présence est notre tâche comme chrétiens, c'est à dire comme adeptes de Christ. C'est aussi l'objectif de tous les êtres humains, car nous sommes tous appelés à parvenir à ce but.
Méditation – contemplation
« Je suis en mon Père,
vous êtes en moi et moi en vous »
Nous tentons de mettre en concepts l'indicible.
Le mystique, à partir de son expérience, montre le soleil.
La lumière nous aveugle, et nous regardons le doigt.
Seul le vécu peut combler la soif de connaître et d'aimer.
Ce que tu tentes de chercher hors de toi
n'existe pas davantage qu'à l'intérieur.
Le doigt qui montre n'est qu'une illusion.
L'oeil n'existe plus, il n'y a rien a regarder.
Va au centre de toi même et découvres-y ton essence.
Cette découverte calmera tes désirs.
Découvre que la Lumière, à partir du centre de toi même
a transformé tout ton être en Lumière.
Fray Marcos
(Traduction Maurice Audibert)