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CROIRE AU CHARPENTIER

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Mc 6, 1-6 

Jésus dans son village, à Nazareth. Ses paroles dans la synagogue provoquent l'admiration. Le charpentier, le fils de Marie, près de qui nous avons vécu trente ans, voilà qu'il se présente comme un Maître de Sagesse...

Mais où a-t-il appris ?...Et ils se scandalisent à son sujet. Ils ne l'emmènent pas chez les malades pour qu'il les guérisse, ils n'ont pas confiance en lui. C'est l'inverse de dimanche passé, quand Jaïre et la femme malade, eux, font confiance et obtiennent la guérison.

En marge de ce texte apparaissent des « frères et sœurs » de Jésus. On tenait jusqu'alors pour certain que « frères et sœurs » était le nom générique de « cousins ». C'est une interprétation ancienne, mais pas très ancienne. Il semble qu'on ne la retrouve pas dans les milieux les plus proches de la rédaction de ces écrits.

Les auteurs spécialisés d'aujourd'hui ne sont pas tout à fait d'accord, et les solutions qu'ils proposent dépendent en grande partie d'autres conditionnements (leur position quant à la virginité de Marie entre autres). Le sujet est intéressant, mais pas significatif pour notre foi, et naturellement on ne peut le développer ici.

 

REFLEXION

Nous envions souvent ceux et celles qui partagèrent la vie de Jésus. Le connaissant, pensons-nous, il serait beaucoup plus facile de croire en lui. Nous sommes aujourd'hui invités à revenir sur cette opinion. Mettons-nous à la place des voisins de Nazareth. Ils ont pendant trente ans partagé la vie de Joseph, de Marie de Jésus ; ils l'ont connu charpentier, fils de charpentier. Il y a quelques mois, il s'est rendu au Jourdain, avec le Baptiste ; et il réapparaît maintenant, enseignant comme un rabi et disant qu'il guérit les malades...Leur surprise est archi justifiée, comme la tendance à le rejeter : qui va croire qu'il est ce qu'il dit ? comme si nous ne l'avions pas toujours connu !

Je pense que la chose était plus difficile pour eux que pour nous. Car il leur fallait croire en cet homme-là, et l'évidence de son humanité, de sa normalité, était pour eux un obstacle insurmontable. Nous simplifions parfois de façon indue la foi de Marie en Jésus. Nous réglons le problème en conférant à Marie une révélation plus que spéciale : nous la faisons aussi consciente de la nature de son fils que nous faisons Jésus conscient et tout puissant dès le sein de sa mère. Il nous faut revoir sérieusement ces « connaissances ». Jésus était aussi objet de foi pour sa mère. Jésus a grandi comme un enfant normal, ayant besoin de sa mère dans tous les domaines. Et sa mère a dû croire elle aussi.

Cela situe bien notre acte de foi et nous invite à revoir nos motifs. Ses voisins ont entendu ses paroles et assisté à ses guérisons. Et pour beaucoup cela n'a pas suffi. Nous autres nous lisons et entendons ces paroles et ces guérisons. Comment passons-nous de la connaissance à l'admiration et de l'admiration à la foi ? Et au-delà d'admirer, que signifie exactement « croire » ?

Croire en Jésus, c'est admettre que l'Esprit agit en lui, que ses dons de guérisseur, ses paroles sublimes, ne sont pas simplement le fruit d'un homme génial, mais l'œuvre en lui de Dieu même. Croire en Jésus signifie l'accepter comme « homme rempli de l'Esprit », signifie accepter que « Dieu était avec lui ».Voilà ce que ses voisins ne pouvaient comprendre, ce qui les scandalisait. Pour eux, Dieu avait parlé par l'intermédiaire de Moïse, le grand miracle avait été le passage de la mer ; il leur faut accepter à présent que Dieu parle par la bouche de leur voisin Jésus, et qu'il guérit par son intermédiaire. Il leur faudra accepter davantage : c'est que Dieu est avec Jésus de façon bien supérieure à celle de Moïse. Jésus est le Fils, le Préféré, et qu'il faut l'écouter, même quand ses paroles corrigent Moïse.

Notre foi en Jésus consiste à passer de l'admiration pour un homme extraordinaire à l'acceptation de Dieu présent en lui. L'humanité de Jésus, Jésus homme, nous pose la question qui était aussi celle de ses contemporains : Qui est-il ? Croire c'est répondre : il est l'homme rempli de l'Esprit, le fils préféré, la Parole faite chair.

 

POUR NOTRE PRIERE

Nombreux sont les chemins qui conduisent à la foi. Certains d'entre nous se trouvent pour ainsi dire dans la situation de gens qui « ont reçu en héritage » la foi en Jésus. Devenus conscients, nous nous sommes rendus compte que la foi en Jésus était en nous, même si nous ne le connaissions pas bien. Ce fut alors que nous nous sommes posés la question du pourquoi, mus sans doute par le besoin de personnaliser, de faire nôtre la foi que nous avons reçue.

Quoiqu'il en soit l'itinéraire vers une foi adulte est toujours le même : connaître, admirer, croire. La connaissance mène à l'admiration, l'admiration à la question, la question à la réponse : « Tu es le béni de Dieu, le Fils préféré ».Parvenir à cette réponse est aussi l'œuvre de Dieu et c'est surtout une invitation. On ne croit pas en Jésus pour en tirer un profit, mais pour le suivre, pour travailler avec Lui aux affaires du Père.

Parmi tous les problèmes de Jésus avec ses contemporains, il en est un qui nous affecte aussi : la plus grande difficulté pour que ces gens croient en Jésus était leur religion elle-même. Ils considéraient « la Loi de Moïse », y compris les interprétations des rabbins, comme la Parole de Dieu immuable à jamais. Et Jésus ne pensait pas ainsi : Jésus était le vin nouveau, mais les gens se refusaient à rompre les vieilles outres.

Je pense que c'est un danger présent aujourd'hui dans l'Eglise. Toutes les traditions de l'Eglise, y compris celles qui ne viennent évidemment pas de Jésus, et même sont contraires à l'univers de Jésus, se maintiennent avec une extrême détermination ; il semble même qu'elles ont plus d'importance que la foi en Jésus lui-même et en l'acceptation de sa façon d'être, de ses critères, de ses valeurs.

Voilà pourquoi lorsqu'on entend parler de « Nouvelle Evangélisation », beaucoup doutent qu'il s'agisse d'évangélisation et soupçonnent qu'il s'agisse en fait de redonner vigueur aux traditions les plus immédiates ; qu'il ne soit pas question de revenir à Jésus ni d'accepter la nouveauté de son vin, mais de ravauder la vieille outre.

 

José Enrique Galarreta

(traduction Maurice Audibert)

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